Ahn Jae avait une chasse bientôt. Il réunissait du monde tout en croisant les doigts pour que d’ici au jour J leur cible ne fasse pas plus de vague. Un vampire qui avait franchit la ligne blanche il y a peu, attirant des goules avec mille promesses avant de leur faire fermer les yeux pour de bon. Le fait qu’il soit longtemps resté sous les radars associés à son âge et son niveau d’intelligence rendait une chasse menée par lui obligatoire. Ahn Jae s’y pliait. Ce ne serait pas la plus compliquée de ces derniers mois mais il avait réuni une équipe professionnelle qui commençait entre autres par l’embauche de deux de ses propres frères.

Pour l’heure Ahn Jae allait donc de chasseur en membre de l’Ordre, terminant de mettre sur pied son équipe et le hasard sachant tomber à point nommé, le vampire dont il organisait la chasse était passé dans son champ de vision. L’Organisateur en chef qu’il était avait saisit l’occasion de le suivre… De loin. D’aussi loin que possible même. Il n’était pas question de se faire prendre, de prendre le risque d’entamer le combat ni même de lui mettre la pression, ce qui le ferait peut-être bouger de Séoul.

Ahn Jae connaissait bien la rue. Il savait comment s’y fondre, s’y déplacer sans attirer l’attention… Il connaissait presque par cœur, de manière purement mécanique, le moindre commerce. Ça faisait partit de sa maîtrise du parkours que de connaître son environnement. Quoi qu’il en soit, le vampire qu’il suivait avait fait une halte près de l’université, ce qui avait forcément attiré son attention vu les évènements qui avaient eu lieu récemment. Le vampire était resté un moment à observer à travers les grilles l’endroit où, fin décembre, une croix grandeur nature avait pris place. Il avait même fini par être rejoins. Un vampire qu’il ne connaissait pas… Ou pas encore. Grand, longiligne. Dans le halo d’un réverbère il devine le teint hâlé et le regard bridé en une longue et gracile amande. Un très beau vampire oui. Et s’il n’en était pas un, il en avait l’attitude austère et assez de charisme pour imposer à l’autre de ne pas broncher alors que de toute évidence il se faisant engueuler pour dieu seul savait quelle raison. Bref, le nouveau venu semblait peu jouasse et avoir bien du mordant, sans mauvais jeu de mots !

Lorsqu’ils se séparent, Ahn Jae doit faire un choix… Il fait finalement celui de rester sur place alors que sa cible prioritaire tourne les talons. D’une poche intérieure il sort un epipen en soupirant… Et vient se l’enfoncer dans la cuisse en grognant, laissant la crysalis irriguer son système sanguin. Il inspire et expire plusieurs fois très rapidement, histoire d’accélérer les battements de son cœur et par la même la circulation du sérum… Et après deux ou trois minutes comme ça il sort finalement de sa cachette, avançant vers l’inconnu qui, très vite, tourne la tête vers lui. Il n’avait pas remarqué sa présence au départ mais de toute évidence, dès qu’il s’était approché un peu, l’autre l’avait parfaitement perçu.

« Salut beauté. »

Ahn Jae était un sale cabot. Le genre à ne jamais tenir sa langue, ce qui en faisait un piètre négociateur… Mais il avait une gouaille bien à lui et même l’air sévère de la petite beauté chinoise (clairement à son avis !) n’entamait pas sa propre jouaille !

« C’est dangereux de se balader la nuit comme ça. »

Dit celui qui avait quand même eu besoin de s’injecter de la crysalis par mesure de précaution !

« En plus il s’est passé de vilaines choses dans le coin. »

Ahn Jae arrive à la hauteur de l’autre vampire, qui le surplombe d’une bonne tête, si ce n’est une tête et demie ! Il devait avoir des jambes à tomber par terre, sous son pantalon ! Du col de ses vêtements, Ahn Jae vient extraire le médaillon qui y pendait au bout d’une chaîne. Soleil et étoile… Pour que l’autre voir un peu à qui il avait à faire.

« Ahn Jae. Et ton p’tit nom princesse ? »

Désolé, il était beau comme un cœur, il pouvait pas ranger ses airs de gros relous ! Et encore, croyez-le ou pas : il se contenait ! Hua Feng, lorsqu’ils se retrouvaient (rarement mais ça arrivait !) à croiser un vampire ensemble, lui faisait toujours trois millions de recommandations… Ahn Jae finissait toujours par lui dire qu’il savait… Hua Feng par lui répondre qu’il savait qu’il savait… Avant de lui dire finalement qu’il valait mieux qu’il ne dise rien du tout ! C’était presque cérémonial tellement ça se passait souvent comme ça !

« Tu es nouveau en ville ? C’est la Chine qui t’a fait ? Ça se vend à l’importation tout ça ? Parce que moi, j’achète hein ! »

Et même s’il avait su son nom, et donc fait le lien avec sa fonction, Ahn Jae ne se serait pas adressé autrement à ce moment du conseil là !

Il y avait quelque chose que Lawrence aimait à propos du Conseil des Cinq. C’était sa propension à régler ses propres affaires sans faire appel à l’Ordre de la Sphère Céleste. Ce dernier avait toutefois celle de mettre son nez là où ça ne le concernait en rien. C’était pour éviter que ce soit le cas encore une fois que Lawrence avait dû intervenir auprès d’un vampire qui, de toute évidence, n’avait rien de mieux à faire que de leur attirer des ennuis. Si cette rencontre près de l’Université était improvisée, ce n’était toutefois pas une surprise que Lawrence ait si facilement retrouver l’autre vampire. Il était doué pour se fondre dans son environnement. Pour observer sans être observé. Pour traquer. Étonnant qu’il n’en ait jamais fait son métier et en même temps, après le fiasco du passé, Lawrence préférait de loin rester à distance du champ de combat, même celui moderne qui avait outrageusement changé avec les siècles…

S’il garde un ton bas, son débit est toutefois rapide et l’intonation de sa voix ne ment pas : il engueulait le vampire qui s’était attiré les foudres du Conseil. Il ne le faisait pas autant par bonté d’esprit envers les humains que parce qu’ils allaient bientôt attirer l’attention de l’Ordre, indéniablement. Mais si Lawrence était pour la morsure, il n’était pas pour le meurtre non plus. Il fallait savoir faire la nuance… Alors il n’en était pas très heureux par principe non plus. Leur échange se ponctue sur une menace des plus glauques que Lawrence ne répéterait pas. C’est-à-dire que la prochaine fois, le problème serait probablement réglé de cette façon promise sans plus d’avertissement. Il ne prend même pas la peine de suivre l’autre du regard alors qu’il s’éloigne, observant plutôt l’endroit où on avait retrouvé, le mois passé, une croix. Pas juste une croix, il va sans dire. Ça aurait fait jaser, mais jamais autant que ce qu’il y avait eu sur la croix.

C’est au bout de quelques minutes à peine qu’il le sent. Ce qui arrive en premier à lui, c’est cette odeur d’amande amère qui, il en était sûr, n’était pas là quelques secondes plus tôt. Accompagnée de pas réguliers et assurés. Un idiot. Ou pire. Quand il tourne la tête, c’est pour rencontrer le regard gouailleur d’un homme dont le profil mutin accentuait cet état. Pas une beauté typique de la Corée ou même de la Chine. On les aimait tous pareils, ici. Ou presque, disons. Par contre, les mots qui franchissent le seuil de ses lèvres lui font arquer les sourcils. Quelle désagréable surprise… Ces gamins qui se croyaient bons pour parler à des hommes pas loin de dix fois plus vieux qu’eux sur ce ton l’énervaient au possible… Qu’était-il arrivé du droit d’aînesse ? Ah oui… il ne s’appliquait pas aux vampires puisqu’au final il était davantage réservé à l’apparence physique qu’à l’âge. Pratique pour ces hypocrites de mortels.

« À qui ai-je l’honneur ? », demande Lawrence sur le ton d’un homme qui ne voit néanmoins aucun honneur où que ce soit présentement ! Quant au danger qu’il courait potentiellement (pas), le Chinois raille : « Tu veux parler de la saleté que tu viens tout juste de t’injecter dans la veines, tant qu’à y être ? »

Il ne répond pas à propos des « vilaines choses » qui avaient eu lieu ici. Son regard tombe plutôt sur ce médaillon qui tombe sur la poitrine du nouveau venu… et la réaction est épidermique. Lawrence a un petit grondement sourd, presque comme un chat. Il avait légèrement retroussé le nez, comme pour mieux exprimé son dégoût, mais ce n’était pas conscient. Un membre de l’Ordre. La lie de l’humanité. Littéralement.

« Princesse ?! », grogne Lawrence, s’étouffant presque avec le mot tant sa venue dans cette conversation était irréelle. « Avec de telles manières, tu te contenteras d’apprendre que je suis un membre du Conseil des Cinq et que je suis probablement celui qui a le moins de temps à perdre avec ton Ordre ridicule. »

Les présentations avaient été faites en bonnes et dues formes, selon lui ! Par contre, la suite finit de le plonger dans l’abîme de l’indignation et de l’incompréhension ! Il était en train de lui demander des faveurs, cet imbécile, ou il rêvait ?! Lawrence a un petit pas vers l’arrière. Comme quoi, cet homme était déjà passé maître dans l’art de lui provoquer des réactions épidermiques…!

« Je suis effectivement Chinois. Et je comprends mieux pourquoi la Crysalis avant de venir m’aborder. Ce sera dûment noté et rapporté au Conseil… », réplique Lawrence sur le ton le plus posé dont il est capable présentement, c’est-à-dire sur le ton d’un chat sur le point d’attaquer un chien indésirable qui est venu un peu trop près ! « Qu’est-ce que tu me veux ? »

Cette fois, c’était plutôt sur le ton de l’homme qui s’en doute un peu. Il ne croyait pas aux coïncidences quand on parlait de l’Ordre. La présence de l’autre vampire un peu plus tôt devait être ce qui avait amené, à son grand malheur, ce Ahn Jae à lui…

« Jang Ahn Jae. »

Il était resté là, un peu insolent, à observer le type en face de lui, un sourire coquin sur le bord des lèvres. L’autre était moins jouasse, toujours aussi princier, un peu pète sec ! Mais ça faisait partit du personnage et à propos de la « saleté » qui lui courrait le corps il a un petit clin d’œil pour la beauté diabolique devant lui.

« Je suis un homme prudent. Mais je suis ouvert au dialogue si tu as quelque chose à dire à ce sujet. »

Lui, qu’aurait-il eu à dire de plus ? Hua Feng l’avait déjà souvent mis en garde à propos de sa gouaille naturelle. Et si elle ne posait pas de problèmes en chasse, il avait quand même conscience de ses limites dans le reste de ses activités et c’était encore plus vrai lorsqu’il parlait au contact d’un assassin qu’il ne connaissait ni d’Eve ni d’Adam.

De toute évidence son appartenance à l’ordre agit comme un répulsif encore plus puissant que la crysalis sur son vis-à-vis et Ahn Jae, s’il ne s’en amuse pas, ne se formalise pas non plus. C’était un truc dont il avait l’habitude, comme tout membre de la Sphère Céleste ! Quoi qu’il en soit la petite beauté de Chine semble scandalisée par l’appellation et Ahn Jae « corrige » :

« Pardon, c’est plutôt Impératrice dans ton coin ? »

Mais l’homme se présente sans le faire vraiment… Et Ahn Jae a un petit « haaa » de compréhension. Il avait déjà eu l’occasion de voir les membres du Conseil des Cinq, à quelques occasions. Mais celui-là non… Et c’est bien ce qui lui permet de supposer :

« Han Lawrence ? »

Il y a un petit silence pendant lequel il le détail de haut en bas sans aucune pudeur avant de convenir :

« C’est un crime de ne pas t’avoir donné un petit nom chinois à grogner entre les draps. »

Oui il le savait : il avait une attitude un brin déplacée ! Et il ne fallait pas croire qu’il en faisait usage avec n’importe qui ! Mais Ahn Jae avait une sorte de « sixième sens » pour repérer certaines choses… Et s’il ne pouvait jamais jurer à 100% qu’il parlait à quelqu’un qui tôt ou tard pouvait s’y montrer sensible, il avait néanmoins de fortes présomptions. Trop pour qu’en présence de si jolies jambes il ne monte pas un peu au créneau…

Alors bien sûr il y a des menaces de l’autre côté mais ce petit pas en arrière avait un peu séduit Ahn Jae qui en fait donc un en avant, un éclat de prédation bref dans le regard ! Il aimait bien chasser les petites souris, même celles qui au naturel ressemblaient plus à d’énergiques chats en colère !

« On se calme chaton… On ne fait que discuter… »

Il a un petit rire bas avant de changer brusquement d’attitude histoire de laisser Han respirer, se redressant pour s’approcher un brin des grilles de l’université.

« Tragique ce qui s’est passé ici non ? C’est ça que tu venais voir ? »

Ahn Jae attend que l’homme se soit très légèrement approché des grilles pour tourner la tête vers lui, soufflant à nouveau chaud non loin de son oreille :

« Je suis sûr qu’on pourrait trouver un terrain d’entente, toi et moi. »

Ce faisant il se risque carrément à poser une main dans le creux des reins du vampire, juste à la naissance de ses fesses sur lesquelles il glisse carrément le bout de ses doigts pour y goûter un peu ! Oui oui… Il remuait sec dans les brancards… C’était sa personnalité et plus le challenge était grand moins il avait envie de laisser respirer sa proie ! Et comme il s’attend à une protestation, il ordonne d'un ton souffrant peu la réplique :

« Tais-toi. »

Il voit autant de surprise que de colère sourde dans les jolies prunelles sombre et Ahn Jae a un petit ricanement avant de retirer sa main. Elle allait longuement s'en vouloir plus tard dans la soirée, la jolie petite Impératrice chinoise, de s'être effectivement tu, non ? Ceci dit, cette réaction lui fait assurer à voix haute :

« Toi ma beauté, dans une semaine, je te mets à genoux pour la fellation de ma vie. »

Cette fois il s’attendait à à peu près tout, maintenant que la surprise d’un élan dominateur de sa part était passée ! Mais quand même il rigole, avant de se faire hurler dessus, demandant :

« Tu vas leur dire, aux membres du Conseil, cette prophétie ? »

Eh bien, Jang Ahn Jae était incroyablement insolent. Lawrence a un regard entre mépris calculé et intérêt inassumé pour le membre de l’Ordre. Ils les choisissaient maintenant à la hauteur de ses espoirs pour leurs bonnes manières, ceux-là…

« Au contraire, tu me sembles plutôt être un homme imprudent. », murmure Lawrence sur un ton probablement un brin menaçant, parce que Jang le méritait bien. Peut-être pas au sujet de la Crysalis. Il ne croyait pas à ce point en sa bonne étoile, de toute évidence… Mais il n’en restait pas moins qu’il aurait pu lui tordre le cou et être débarrassé vite fait, bien fait ! Certes, ça défiait tous ses intérêts immédiats, surtout par rapport à son rôle au sein du conseil vampirique. En fait, Jang devait le savoir… mais il n’en restait pas moins que c’était dans l’ordre du possible ! « Ce satané sérum mis à part… »

Il pouvait bien lui laisser ça. Pourtant, invité à développer, Lawrence n’en rajoute pas. De toute façon, pour ce qui était de l’homme imprudent, voilà qu’il lui prouve à nouveau qu’il l’est en corrigeant pour « impératrice », un titre de noblesse qui lui aurait plut s’il n’avait pas été au féminin entre ces lèvres indécentes d’impudeur ! S’il n’est pas impressionné par le fait que Jang ait déjà son nom complet, il n’en reste pas moins qu’il relève un brin le menton, princier, défiant le Coréen de son regard gracieusement étiré sur les tempes.

« Mon nom chinois ne te regarde pas. », déclare-t-il sèchement. Il aurait pu simplement éviter le sujet. Il l’aurait habituellement fait, ou même aurait menti en prétendant qu’il ne possédait qu’un prénom anglais. Mais il avait envie de voir un brin d’envie chez cet homme-là, qu’il soit innocent ou pas. Peut-être pour avoir lui aussi un brin l’avantage. Lawrence n’était pas connu pour le céder si facilement, son bel avantage qu’il tenait habituellement naturellement dans une conversation ! Alors il laissait cette connaissance en suspend sans pour autant nourrir la curiosité du Coréen. « Pense à moi tant que tu le veux, tes draps resteront froids. On n’a pas idée être aussi ouvert avec des actes si… pervers et dérangés. Tu peux m’appeler impératrice autant que tu veux, je reste un homme et même toi, tu ne peux le nier. »

Il n’était pas de ces petites choses ridicules qui rougissaient en mettant une main devant leur bouche et qui osaient ensuite protester quand on les affublait de sobriquets qui rabaissait leur état d’homme biologique ! Il était grand, élancé. Ses épaules étaient loin d’être étroites. On ignorera ses hanches en léger sablier dans cette description, toutefois… Les mains de Lawrence se crispent, même s’il agit toujours comme s’il avait l’avantage dans cette si curieuse conversation. Et il les serre d’autant plus que Jang semblait avoir non seulement remarqué ce pas vers l’arrière que Lawrence avait vite regretté, mais aussi prendre avantage de la situation… en en faisant un vers lui ! Pourquoi diable est-ce que cette attitude prédatrice lui arrachait soudainement un frisson incontrôlable ? Ça ne pouvait être de la peur… Il avait l’avantage à un contre un !

Il se sentait acculé. Mais le sentiment qui s’en détachait, ce n’était ni du dégoût, ni de la haine pour la situation. Lawrence s’en veut. Mais suppose que c’était juste lié à la surprise de rencontrer un homme comme celui-là qui n’avait ni honte de ce qu’il désirait, ni peur de le réclamer. D’ailleurs, son attitude change et Lawrence laisse échapper un soupir imperceptible. Eh bien… Son regard quitte difficilement le profil masculin du Coréen, histoire de s’intéresser brièvement à l’endroit où ils se trouvaient.

« Non. », répond-t-il simplement parce qu’il n’était pas venu ici pour ça. C’était déjà fait… « Je… »

Mais pas le temps de continuer. Il avait l’impression d’être tombé dans un piège. Lui, le plus grand prédateur du monde ! Alors qu’il s’approchait de la grille, levant une main pour glisser ses longs doigts de pianiste qui s’ignore sur le métal frais, il sent le souffle chaud de l’homme s’inviter jusqu’à son oreille, lui soufflant quelque chose qui aurait presque pu sembler diplomatique si une main assurée ne s’était pas glissée jusqu’à ses reins, y appliquant une pression qui irradie d’une chaleur nouvelle entre les reins du vampire. Il est surpris. Mais pas assez longtemps pour ne pas déjà ouvrir les lèvres cette fois. Sauf que voilà. Un ordre… Un ordre qui fait son chemin si rapidement dans la tête de Lawrence, qui gèle sur place le moindre mouvement qu’il avait voulu amorcer, que c’en était presque bestial à ce stade. Une vieille manipulation déréglée qu’on avait implanté dans son code génétique bien avant sa naissance…

La main se retire. Ses reins suivent très légèrement le mouvement avant qu’il ne se ravise. Mais sa main, elle, s’était pour de bon poser sur le grillage et ses doigts s’étaient emmêlés à celui-ci, comme s’il s’apprêtait à devoir résister à un coup de rein puissant…

« Comment… », commence Lawrence, le souffle coupé, façon de parler. C’était ce qui avait suivi… Comment pouvait-il user de ces mots de cette façon si sale ?! Le vampire feule légèrement en direction de l’homme. Un avertissement qu’il ne devrait pas prendre à la légère ! Et en même temps, c’est lui qui s’éloigne comme la proie qu’il n’était pas ! « Comment oses-tu ?! Non content d’être un membre de ton ordre abject, tu es en plus de ces hommes qui poursuivent d’autres hommes de vos attentions indécentes ! »

Lawrence recule encore. Par précaution. Parce qu’il avait beau dire, il avait beau se faire croire, il vivait malgré tout avec lui-même depuis un peu plus d’un millénaire. Pas besoin de se l’admettre entièrement pour avoir une idée de ce qu’il désirait…

« Laisse-moi. »

C’était presque plus une supplique qu’un ordre dans son cas. Il n’avait pas envie de devoir se faire violence pendant plus longtemps, ce soir…

Ahn Jae pouvait bien voir qu’il le mettait en colère… Mais il voyait d’autres choses… Des détails imperceptibles. A tel point que lui-même ne pourrait pas toujours dire « comment » il savait certaines choses. Mais ce genre d’animosité, comme un chat qu’on aurait soudainement plongé dans l’eau froide, ça avait autre chose que la gueule du mec réellement offensé. Peut-être que même sans qu’il en soit parfaitement conscient Lawrence lui prouvait une forme de curiosité à son encontre. C’était ça qu’Ahn Jae avait perçu… Et aussi bref que ça ait pu être, il ne l’avait pas manqué et s’était engouffré dans la faille.

« Ca va. Maintenant je sais. La prochaine fois j’en aurais pas. »

C’était de l’effronterie pure et dure… Mais surtout une façon détournée également de prendre tout le contrôle de la situation, de se faire « le maître de séance » sans se cacher derrière un artifice. C’est sûr qu’il y avait toujours une partie de risques mais hé… Ahn Jae n’était pas un ange.

Il lève les yeux au ciel à propos du prénom chinois mais pour le moment il n’insiste pas. Tout venait à qui savait attendre ! La patience n’était certes pas sa qualité première mais il savait néanmoins en faire usage.

Lawrence continu de vociférer un peu, sa langue pointue persiflant entre ses dents alors qu’il tente de reprendre un contrôle qu’il avait déjà perdu. Lawrence était sans doute le genre d’homme capable de mettre les hommes au pas par la force… Mais au jeu de la domination sur des plans un peu plus intimes, Ahn Jae avait clairement plus d’expérience et qu’il le veuille ou pas, cette conversation avait dépassé très rapidement le simple stade du bavardage.

« Mais je ne le nie pas. C’est un truc que j’aime chez toi. »

Et parce qu’il sait qu’il y a des limites à tout face à ce genre d’homme qui niait en bloc, il n’ajoute pas le « ça et ta jolie bouche de suceuse » qu’il avait fortement pensé ! Mais la prochaine fois, il devrait lui avouer à quel point il la trouvait invitante et comme il désirait ardemment y glisser son sexe pour en profiter pleinement !

En tout cas les quelques minutes qui suivent ensuite donnent tous pouvoirs à Ahn Jae pour qui ce silence, ce trouble… Sont autant d’indices ultra-criant. Ho oui, il allait l’avoir celui-là ! Il allait lui faire découvrir des choses qui lui feraient perdre la tête et qu’à simplement entendre aujourd’hui le choquerait sûrement ! Mais c’était réveillé cette libido trop longtemps ignorée parce qu’Ahn Jae se doutait que le chinois avait un peu plus d’une centaine d’année, disons… ! Au moins plus de soixante-dix vu l’âge physique qu’il semblait avoir et l’absence de regard rubis.

« Ca va je m’en vais. »

Et rieur :

« Du moins physiquement. Parce que crois-moi ma poupée, tu vas en rêver la nuit de cette conversation. »

Ahn Jae a un clin d’œil pour l’autre homme après un léger ricanement. Et sans pudeur aucune il vient empoigner sa propre entre-jambe à travers son pantalon en assurant :

« Moi je vais penser à toi ! Ca va être si insipide de me répandre dans le vide en attendant de le faire sur cette jolie langue de vipère... »

Mais ça en vaudrait sûrement l’attente, même s’il ne pourrait prédire combien de temps elle durerait. Il avait donné une semaine… Fallait-il encore qu’il recroise sa route ! Mais Ahn Jae avait toujours été étrangement béni des dieux pour ce genre de trucs… La chance savait parfois se mettre agréablement de son côté… !